Première partie"
Eh Moïra face de rat, pourquoi tu cours ? On te fait peur ?" Les rires moqueurs résonnent dans son dos alors qu'elle hâte un peu plus le pas. Dans peu de temps, elle aurait enfin quitté la cour de récréation et retrouverait le calme de sa maison, le seul endroit où elle se sent à sa place en ce moment. La gamine remonte ses lunettes sur l'arête de son nez, serrant un peu plus ses livres de cour contre sa poitrine, contournant un des bâtiments de cette école qui ressemble de près à sa définition de l'enfer. Et ses bourreaux la traquent sans relâche, à croire qu'il n'y a rien de plus épanouissant à faire durant les quelques minutes qui les séparent des prochaines heures enfermé dans la salle de classe. Mais les yeux clairs de la jeune adolescente ne trouvent pas l'échappatoire tant rêvé. Un cul de sac, comment a-t-elle réussi à les mener tout droit dans un cul-de-sac en espérant les fuir ? Il faut dire que le sens de l'orientation n'a jamais été son for et que le stress la fait agir de façon encore plus maladroite que d'habitude. Coincée entre le mur d'enceinte et le bâtiment, la rouquine jette un regard furtif en arrière. Elle n'a plus vraiment le choix de les affronter à présent. A trois contre un, l'équité n'a pas l'air d'être un soucis majeur à leurs yeux. Le chef de meute, un gamin au visage bouffi, le front perlant de sueur et les joues cramoisies, s'approche d'elle, légèrement essoufflée de cette marche rapide entre les différents bâtiments de l'école. "
Oh allez, ça va Moïra, on t'a dit, on veut juste essayer tes lunettes ! T'es vraiment une coincée, faut pas t'étonner que personne veuille être ton ami." Son rire gras arrache une grimace à la gamine alors qu'elle fait un pas de plus en arrière, le talon de sa chaussure heurtant le mur. Ils lui avaient déjà couté une paire et elle doutait que sa mère avale une fois de plus qu'elle avait trébuché dans les escaliers. "
Vous avez personne d'autre à aller embêter ? Ou t'as peut-être peur d'être trop essoufflé en t'en prenant à quelqu'un de ta taille ?" A peine les mots ont-ils franchi la barrière de ses lèvres qu'elle les regrette amèrement. Et à voir la tête du gamin rougeot et ses yeux écarquillés, il ne doit pas avoir l'habitude qu'on lui réponde de façon si directe. Pas le temps de porter sa main à sa bouche qu'elle voit la colère monter sur son visage, si écarlate qu'elle le croirait sur le point d'exploser d'un moment à l'autre. Ses pas s'accélèrent dans sa direction, il lui semble que le temps ralentit pourtant. Elle ferme les yeux, si fort qu'elle aperçoit de minuscules tâches de lumière sous ses paupières closes. Une forte bourrasque jette sa natte rousse en arrière alors que ses doigts sont toujours serrés sur la reliure de ses bouquins. Surprise, elle entrouvre les paupières. Des mètres de vide, à quelques centimètres de ses orteils, en équilibre précaire sur le bord du toit de l'école. Un cri lui échappe avant qu'elle ne recule aussi rapidement que possible, tombant sur le revêtement, ses prunelles claires perdues dans le ciel nuageux. Son coeur bat à tout rompre, tant qu'elle a l'impression qu'il va bientôt jaillir de sa poitrine. La panique cède la place à l'euphorie alors qu'elle ne peut contenir son large sourire, puis le fou rire incontrôlable qui s'empare d'elle, bientôt interrompue par un violent haut-le-coeur. Les conséquences de cette manifestation inattendue lui importent guère. Personne n'ira croire ces gamins attardés de toute façon, et avec un peu de chance ils ne se risqueront même pas à passer pour plus bêtes qu'ils ne le sont. Moïra se relève, encore fébrile des effets de ce premier voyage. Premier révélateur de sa vraie nature.
La cuisine, la cuisine, la cuisine. Debout dans le jardin en face de la fenêtre, la gamine ferme les yeux, inspirant profondément. Depuis l'événement imprévu qui l'avait sauvé des gros bras de l'école, elle n'avait jamais su réitérer la chose. Peut-être que finalement, elle avait rêvé tout ça, que son esprit avait fait quelques raccourcis faciles, qu'elle aurait pu plus facilement digérer que les moqueries incessantes de ses camarades. Pourtant, elle était sûre et certaine d'avoir descendu les escaliers de l'établissement sans jamais les avoir monté. Et il faut dire que l'idée d'avoir des super-pouvoirs étaient loin de lui déplaire. Peut-être qu'elle aussi pourrait devenir un jour une grande héroïne, de la trempe de ceux qu'elle admire et qui font le bien. Du moins, c'est ce qu'elle perçoit de ses yeux d'adolescente, l'attrait de l'extraordinaire qui pourrait enfin la faire passer du vilain petit canard à un cygne gracieux. Alors elle attend, dans son jardin, répétant l'exercice tous les jours, sans résultat, quand elle est seule. Elle visualise chaque meuble, chaque détail de la pièce, tente de se rappeler des odeurs qu'elle pourrait y percevoir, de ressentir ce retournement de ses entrailles qui lui rappellerait sa première expérience.
Allez, emmène-moi dans la cuisine. Elle inspire profondément, l'air gonflant ses poumons. Et avant qu'elle n'ait pu expirer, il lui semble que tout change autour d'elle. Ses paupières se soulèvent légèrement. La lumière n'est plus la même, elle ne sent plus l'herbe sous ses pieds nus. "
J'ai réussi .... J'ai réussi !" Mais pas le temps de se réjouir plus que ça qu'elle court déjà à l'évier tout proche pour rendre le contenu de son estomac. Peu importe ces désavantages, elle est persuadée qu'ils finiront par s’atténuer avec de l'entraînement. Parce qu'elle n'est plus seulement Moïra, la rouquine aux grandes lunettes. A présent, elle sait que naït en elle Moïra l'héroïne.
Deuxième partieLes années ont passé, et comme elle l'avait tant souhaité, son étiquette de vilain petit canard a enfin fini par cesser de lui coller la peau. La gamine aux grandes lunettes et à l'appareil dentaire a laissé place à une jeune femme rayonnante, toujours le sourire aux lèvres et prête à aller de l'avant. Ses projets de devenir une grande héroïne eux aussi ont fini par s'évanouir. Il était bien plus simple de garder son petit talent secret, comme un jardin secret qu'elle serait seule à pouvoir visiter. Même à Nathanael, son petit frère de 6 ans son cadet, le membre de la fratrie dont elle était finalement le plus proche, elle avait choisi de ne rien dire. Elle refusait de lui offrir un pareil fardeau, à porter à lui seul du haut de ses 12 ans. Ses pensées mélancoliques se dissipent à l'arrivée de leur professeur. L'amphi est plein à craquer mais elle reste pour l'instant dans son coin, au premier rang puisque c'est la seule place qu'elle a pu trouver. Le déménagement sur le campus n'avait pas été aussi simple à gérer qu'elle ne le pensait. Et bien qu'elle évite de le leur répéter à chaque fois qu'elle les avait au téléphone, ses 2 frères lui manquaient plus que de raison, elle qui s'était toujours considérée comme une seconde petite maman pour eux. Mais il est temps à présent d'accepter de plonger dans son propre avenir. "
Nous vous souhaitons la bienvenue au département de biologie de l'université de Harvard. Veuillez faire passer le programme des cours que vous aurez à ..." Mais déjà, la jeune femme n'écoute plus que d'une oreille distraite. Ses prunelles claires ne quittent plus l'homme qui se tient, les bras croisés sur son torse, à côté de celui qui vient de prendre la parole. Et bientôt il se présente à son tour, assistant de recherche, doctorant de l'université. Leurs regards se croisent, l'espace de quelques secondes et le sourire qu'il lui adresse suffit à enflammer ses joues alors qu'elle attrape machinalement le document que son voisin de classe lui tend. Moment éphémère et pourtant à jamais graver dans sa mémoire.
"
C'est déjà foutu pour toi et tu le sais." Il lui adresse un regard par-dessus son épaule en enfilant ses chaussettes, assis sur le bord du lit. Le jour se lève à peine dans la minuscule chambre étudiante de la rouquine. Elle serre contre elle les draps défaits, ses cheveux de feu entourant son visage enfantin. Et un sourire étire ses lèvres, presque malgré elle en retour du sien. "
De quoi tu parles ? " L'air énigmatique, Moïra se rallonge, un bras passé sous sa tête avant de hausser des épaules. "
Du fait que tu peux plus te passer de moi. Rends toi à l'évidence Marco. " Son rire la trouble presqu'autant qu'il la réchauffe toute entière. Les yeux clos, elle l'entend revenir vers elle, déposer un baiser au coin de sa bouche. "
Arrête de m'ensorceler Moïra. Comment je vais faire pour finir mon doctorat dans ces conditions ? " Riant à son tour, elle passe ses doigts dans sa chevelure épaisse, détaillant chacun des traits de son visage comme si elle craignait de voir le souvenir s'effacer de sa mémoire dès qu'il quitterait la pièce. "
Tu pourrais accepter l'évidence. Tu pourrais accepter d'être avec moi ... Et on pourrait arrêter de se cacher. T'aurais plus à venir et partir de chez moi comme un voleur, et je pourrais t'embrasser entre deux cours sans qu'on ait besoin de trouver un endroit secret. Ca serait des conditions beaucoup plus sympa non ? " L'air songeur, il rabat une mèche de sa chevelure rousse derrière son oreille. Ils avaient déjà eu cette conversation tant de fois au cours de l'année et toujours les mêmes conclusions. Leur différence d'âge si importante qui semblait être un véritable frein pour lui, le fait qu'ils soient dans la même fac, dans une espèce de relation professeur assistant-élève qui serait sûrement mal vue par le reste de l'équipe pédagogique. Pourtant, elle sent qu'elle n'est plus seule dans cette envie de construire quelque chose de durable. Ou peut-être son désir a fini par créer l'illusion d'une réciprocité. "
Tu as raison. C'en est assez. " Ses prunelles claires le dévisagent longuement, essayant de ne pas trop se réjouir avant d'avoir eu plus d'explication. "
On s'est suffisamment caché et j'en ai marre de devoir me passer de toi pour garder le secret. Et puis vaudrait mieux qu'on officialise notre histoire avant que tu puisses être tenté par l'arrivée massive des premières années à la rentrée. " Elle rit avant de cueillir ses lèvres. Comment pouvait-elle espérer être plus heureuse qu'à ce moment précis ?
Elle ajuste les boucles tombantes de son chignon, replace le voile de tulle sur sa crinière flamboyante. Son corps palpite dans son corset blanc, quand bien même elle essaie de se rappeler que ce n'est pas la peine de se mettre dans un état pareil. Quoique, peut-être bien que c'est la peine. Après quatre ans de relation, dont trois de vie commune, il avait fini par lui demander sa main, bravant ainsi les réticences de leur famille respective. La famille de Marco avait très vite statué : ils ne feraient pas le déplacement, pas pour voir leur fils aîné épousé une enfant, qui n'a pas fini ses études et ne s'est même pas ce qu'elle veut faire exactement de sa vie. La famille Oswald avait été moins catégorique. Ses frères étaient là, beaux dans leur costume noir. Nathanael avait même enfilé une cravate pour la peine et ses airs d'homme-adolescent arrachent un sourire à la jeune femme à chaque fois qu'elle croise son regard. Seul son père avait décliné l'invitation. Le courant entre lui et son futur gendre n'était jamais passé, d'autant plus qu'il ne supportait pas l'idée de voir sa fille mariée à un homme de six ans son aîné. Une aberration à ses yeux, sans compter qu'il lui volait son bébé, la prunelle de sa vie, ce qui n'avait pas le don d'arranger les choses. "
Tu es ravissante Moïra." La jeune femme adresse un sourire dans le miroir à son oncle avant d'enfiler ses boucles d'oreilles. "
Merci. J'aurais aimé que papa puisse me dire ça aussi." Et puisque ce dernier avait refusé de venir à la cérémonie, c'est son oncle qui l'accompagnerait jusqu'à l'autel. Il hausse d'ailleurs des épaules avant de poser sa large main sur l'épaule fluette de la rouquine. "
Ton père est têtu comme une mule. Ce n'est pas contre toi." Elle sourit, le regard triste. Peut-être bien mais c'était à elle qu'il faisait de la peine aujourd'hui. Pas le temps de s'attarder plus que ça sur la question de toute façon. Elle avait déjà vingt minutes de retard sur le planning du mariage. Moïra avait toujours regardé d'un oeil moqueur ces filles qui s'extasiaient devant les robes blanches, les bouquets et les belles cérémonies. Et pourtant, en sortant de la voiture sous les regards admiratifs de sa mère et de ses frères, elle savait qu'elle venait de rejoindre cette catégorie de femmes, se sentant plus vivante que jamais dans sa tenue officielle, prête à s'engager pour la vie avec l'homme de ses rêves et de refaire le monde avec lui. Mais bien vite, le sourire de madame Oswald s'évanouit alors qu'elle s'approche de sa fille, se tordant les doigts de nervosité. "
Il n'est pas encore arrivé Moïra ..." La jeune femme l'observe, fronçant des sourcils. "
Comment ça il n'est pas encore arrivé ? De quoi tu parles, on a déjà plus de trente minutes de retard. Est-ce que quelqu'un a tenté de le contacter ? Passe moi ton téléphone s'il-te-plaît." Nathanael dégaine rapidement le sien et elle s'éloigne de quelques pas, tapant le numéro sur l'écran tactile, les doigts tremblants bien malgré elle. La sonnerie n'en finit plus, les battements de son coeur s'accélérant brusquement à son arrêt, avant que ne démarre l'annonce de messagerie. "
Marco, on est arrivé. Où est-ce que tu es ? Tout va bien ? Rappelle moi s'il-te-plait, je suis morte d'inquiétude. Je t'aime." Mais il n'a jamais rappelé. Les premiers jours ont été des jours sans pluie, à fixer la vitre sans aucune émotion, comme vidée de toute son énergie. La messagerie n'avait pas tardé à être pleine. Il lui arrivait pourtant encore de composer le numéro, juste pour entendre sa voix avant que celle robotisée lui annonce qu'elle ne pouvait y laisser un nouveau message. Et pourtant, des moyens de le contacter, elle en avait cherché, jusqu'à prendre contact avec le laboratoire pour lequel il travaillait. Aucun Marco ne travaille chez eux ou n'a travaillé chez eux. Son professeur de Harvard affirmait qu'il avait choisi de retourner vivre en Italie à la fin de ses études, il y a de ça 2 ans. Et puis les larmes ont enfin fait leur apparition. D'abord par torrent avant de s'apaiser en un écoulement régulier mais plus ténu. Un jour de printemps, la rouquine a fini par se décider. Il lui fallait prendre de la distance. Littéralement. Et 100km par 100km, elle a disparu.
Troisième partieLes mois ont passé. Lentement. Douloureusement. Et puis la peine a fini par ne s'exprimer qu'en toile de fond, laissant enfin son esprit se reconstruire. Son périple avait commencé par une photo, celle d'une montagne enneigée sur laquelle un temple semblait survivre miraculeusement à la force de la nature. Un lieu qui lui inspirait la paix, avant même qu'elle n'y soit. Et quand elle avait finalement réussi à l'atteindre, à force de téléportation une fois en Asie, elle n'avait pas un instant regretté sa décision. Certes, sa famille lui avait manqué, plus que de raison. Elle s'en voulait d'être partie comme ça, sans prévenir. Mais elle avait besoin de se montrer égoïste, de penser à elle dans ce moment-là. Quatre mois avaient passé sans qu'elle ne s'en rende compte, rejoignant les moines tibétains dans leur silence méditatif, donnant un coup de main au ménage, aux travaux agricoles, en échange de quoi ils acceptaient sa présence peu encombrante en lui offrant le repas et un couchage sans grand confort. Puis elle avait décidé de repartir, comme elle était venue, mais l'esprit plus léger, apaisé, loin des futilités matérielles de la vie quotidienne. Ce qu'il lui fallait pour faire le deuil de cette relation tumultueuse. A Londres, elle avait redécouvert le plaisir de rencontrer des gens, le plaisir de rire aux éclats sans se sentir bloquer par cette tristesse qui l'empêchait d'avancer à New York. Aux infos, on parlait des Thunderbolts, des Avengers et de la propagation des gènes mutants. Mais la rouquine se contentait de faire la sourde oreille. Elle ne s'était jamais considérée comme faisant partie de cette catégorie. Son pouvoir ne la rendait pas si extraordinaire que ça à ses yeux. Elle n'était qu'une fille comme les autres, le coeur brisé par un imposteur, qui tentait de reconstruire sa vie. Même si il faut l'avouer, son talent de téléportation lui avait aidé d'une grande aide à de nombreuses reprises. Peut-être qu'elle le sous-estimait, qu'elle aurait pu en faire quelque chose de grand qui aurait justifié un nom de Super-héros, un costume trop moulant et une vie sur-médiatisée. Mais cette voie-là était loin de l'attirer. La fin de cette année loin de tous approche et Moïra renaît de ses cendres. Prête à regagner New York à présent, prête à affronter les fantômes qui hantent ses rues.
Enveloppée dans son manteau trop grand pour elle, la jeune femme sonne à plusieurs reprises à l'entrée de la belle maison de Manhattan. Celle de son oncle, le seul membre de sa famille qu'elle avait réussi à contacter avant son retour sur le continent américain. Son visage s'éclaire d'un large sourire quand elle le voit enfin lui ouvrir la porte, ne pouvant s'empêcher de se jeter dans ses bras, les larmes perlant bientôt le long de ses joues. "
Moïra ... On pensait qu'il t'était arrivé quelque chose de grave. Allez viens, entre." Sans se faire prier, elle quitte le froid new yorkais pour l'intérieur d'une maison dans laquelle elle conserve de si bons souvenirs de son enfance. A l'invitation de son oncle, la rouquine prend place sur le canapé, frottant ses mains l'une contre l'autre pour se réchauffer avant d'y accueillir une tasse de thé fumant. "
Dis-moi comment va ma famille. Je n'ai pas réussi à les joindre, ça me disait que le numéro n'était plus attribué et le téléphone de Nathanael tombe directement sur la messagerie." Mais à peine a-t-elle prononcé le prénom de son petit frère que le vieil homme baisse les yeux, fixant ses chaussures en faisant craquer les articulations de ses doigts. La rouquine fronce des sourcils, cherche à déchiffrer l'expression de son visage sans vraiment y parvenir. "
Ecoute, j'imagine bien qu'ils doivent être fâchés contre moi. Mais j'ai plus l'intention de redisparaitre. Tout va aller beaucoup mieux maintenant, j'veux me racheter, ..." "
Moïra ...Ce n'est pas ça." Elle s'interrompt brusquement, un léger rire de nervosité lui échappant. "
Alors quoi ? Ils ont déménagé et ont changé tous leurs numéros ? Si c'est ça, c'est pas grave. Je me suis réinscrite à la fac de New York mais je peux très bien m'inscrire ailleurs c'est ...." "
C'est ton frère Moïra.". Nathanael ? Elle le dévisage, ses yeux déjà embués de larmes, de ne pas trouver les réponses qu'elle espérait tant avoir en revenant à New York. Son oncle laisse échapper un long soupir, rejoignant ses mains en prière devant sa bouche. "
Il est arrivé quelque chose ... pendant ton absence. Quelque chose de grave, de vraiment grave." Il contient difficilement son émotion, lui-même au bord des larmes. "
Nathanael a eu un accident. Il s'est ... il est décédé." La jeune femme perd pied instantanément. La tasse lui échappe, s'écrase au sol, presque au ralenti. Le liquide brûlant recouvre ses mollets mais elle se fiche de sa morsure. Ce n'est tout simplement pas possible. Elle dort et peine à se réveiller, voilà tout. "
Moïra je suis désolé. On avait aucun moyen de te contacter, on ne savait même pas si tu allais bien ..." "
Quand ?". Il soupire à nouveau en fixant ses chaussures. "
Il y a huit mois" Les gestes ralentis, comme si chacun de ses membres étaient engourdis et refusaient de lui obéir, elle se lève, enfilant son manteau. Il faut qu'elle sorte, tout de suite. L'air l'étouffe, l'oppresse ici. "
Moïra, il faut que tu comprennes tes parents. Ils ont eu l'impression de perdre 2 de leurs enfants cette année-là. C'est difficile pour eux ... Moïra !" Mais déjà elle court, quitte le séjour pour le couloir menant à la sortie. Pourtant, avant même d'avoir passé la porte imposante de la maison de Manhattan, elle s'est déjà évanouie, loin d'ici.
Le jour se lève enfin, filtrant par les stores entrouverts. Allongée dans son appartement minuscule, Chewbacca ne tarde pas à ouvrir un oeil avant de ramper jusqu'au creux du ventre de son humaine. La petite bête à poil tend la tête vers la main qu'elle avance vers lui. Les prunelles claires se posent sur l'horloge. Pas une minute de sommeil pour cette nuit, comme tellement d'autres depuis qu'elle a appris le décès de son petit frère. Elle avait réussi à revoir sa mère. Elles avaient longuement pleuré dans les bras l'une de l'autre mais aujourd'hui encore, la jeune femme se demandait si elles arriveraient à surmonter toute la peine accumulée en une année de séparation. Son père refusait de la voir ou même qu'elle ne rencontre son deuxième frère et cette soeur, qu'elle n'avait pas connu autrement que dans le ventre de sa mère. Se tirant de ses pensées douloureuses, elle gratte le poil rêche de son chat, regrettant de ne pas avoir été une aussi bonne fille qu'elle n'était une humaine parfaite pour son félin. Bientôt, il serait temps de s'extirper de son lit et de rejoindre le laboratoire de l'université. Sa thèse avançait lentement, bien trop lentement à son goût, mais la recherche en biologie n'était pas connue pour se déplacer aussi rapidement qu'elle pouvait le faire, par bond de dix kilomètres. Et puis il y avait ce petit espoir secret qu'elle nourrissait depuis quelques jours maintenant. Celui de recroiser ce garçon, lui qui lui avait fait plutôt peur les premières fois. Pourtant, ce moment coincé dans l'ascenseur tous les deux s'était révélé intéressant, suffisamment pour piquer au vif sa curiosité. Bien souvent depuis, elle se maudissait d'être une telle tête de mule et de ne pas avoir accepté de lui donner son numéro. Parce que si ils se croisaient partout avant, elle ne l'avait pas revu depuis, à croire que le destin s'amusait à lui jouer de sales tours. Le réveil sonne enfin et elle l'éteint d'un geste nonchalant. Finalement, elle dormirait bien quelques heures maintenant qu'il est trop tard pour traîner au lit. Un léger sourire éveille néanmoins son visage. Peut-être qu'aujourd'hui, les horaires de métro ne joueront pas contre elle et qu'elle recroisera la route de Petyr.