Quelque part en Afrique, 11 Aout 1997«
Papa ! Papa ! Viens voir ce que j'ai trouvé ! » J'appelais mon père à travers les hautes herbes, la maison se dessinait derrière. Je le voyais accourir avec son grand chapeau beige. «
Qu'est-ce que tu as découvert ma belle ? » Il posait ses grands yeux sur moi. «
C'est derrière le caillou ! Mais ne lui fait pas peur ! Elle est blessée ! » Je passais devant mon père et je contournais le rochet. J'approchais ma main quand mon père était arrivé. «
Elle a peur, laisse-moi m'approcher avant toi. » Je posais ma main sur la bête, celle-ci réagit faiblement. «
Mais c'est une hyène ! » s'était exclama mon père. «
Oui ! Elle est blessée à la jambe, je lui ai donnée de l'eau quand je l'ai vu allonger là. » Mon père s'approcha de la hyène et se mit à l'ausculter. La hyène ne bougeait pas, sûrement trop épuisée pour quoi que ce soit. «
Va chercher ta mère, ma mallette et dis lui d'amener la camionnette. » Je repartais en courant vers la maison et quelques minutes plus tard, ma mère et moi revenions sur les lieux. Mon père endormit la hyène et il l'a ramena jusqu'à la maison grâce à la camionnette. J'étais toute excitée en attendant que mon père sorte de sa pièce où il exerçait son métier de vétérinaire. Lorsqu'il en sortait enfin, il m'annonça que les jours de la hyène n'étaient pas comptés. J'étais allée la voir directement et je m'étais mise à m'en occuper. J'étais son infirmière. Kala s'était remise petit à petit. Nous avions pris l'habitude de dormir ensemble et partout où j'allais elle me suivait. Elle était devenue ma meilleure amie. Presque un an s'est passé pour que Kala puisse s'en aller définitivement. Quelques semaines plutôt elle était partie toute seule, mais elle revenait tous les soirs, puis toutes les semaines avant de s'évaporer définitivement. Je savais qu'elle devait faire sa vie dans la savane et qu'elle ne pouvait pas rester indéfiniment avec moi, mais j'étais triste tout de même.
New-York, 13 Septembre 2002J'avais l'impression d'avoir grandis dans cette maison. La base surélevée en pierre, le reste de la maison en bois et en terre. Entourée d'herbes folles, d'arbres de la savanes, de bruits nocturnes de bêtes sauvages. J'étais nostalgique, mais il avait fallu rentrer aux États-Unis. Il avait fallu me mettre dans une véritable école pour que je puisse faire des études. Mon père s'était retrouvé dans un zoo, ma mère s'était retrouvée femme au foyer, j'étais devenue une élève dans un tout nouveau monde et cela m'avait effrayé. Il travaillait au Zoo de Central Park, nous vivions donc à New-York ! J'étais effrayée par cette grande ville et il faudrait que je m'y fasse. Ma première rentrée avait été catastrophique. Je détestais être enfermée dans des salles de cours avec d'autres élèves. Au début, j'avais énormément de mal à prendre le rythme et puis j'avais réussi à m'y faire, j'oubliais les autres et j'imaginais que j'étais toute seule. Je travaillais, je n'avais quasiment pas d'amis, les gens me trouvaient bizarres. Les professeurs me demandaient souvent comment avait été ma vie dans la savane, mais tout ça était fini. Mes années d'études avaient été affreuses, mais j'avais réussi à aller jusqu'au bout et à obtenir mon diplôme. Aujourd'hui s'était la remise et mes parents se trouvaient là, entourée de ma famille. Mon nom était enfin appelé et j'allais récupérer mon diplôme. Je rejoignais ma famille et attendait le signal pour le lancer de chapeau.
Centrafrique, il y a trois jours«
Alba ! On t'attend ! » Je me dépêchais, j'attrapais ma trousse médicale et je courais jusqu'au camion qui nous attendait. Je montais, aidée par Eric. «
Faudrait pas que tu te retrouves toute seule une fois là-bas. » Eric me regardait dans les yeux avec un léger sourire. «
Tu sais, ils nous ont appris à nous défendre, c'est pas pour que je crie à l'aide au moindre soucis. » Je souriais à mon tour. J'étais dans une mission en Centrafrique. J'étais devenue pédiatre et je faisais des missions humanitaires, je les enchaînais depuis que ma mère était tombée malade. Je crois que c'était une façon pour moi d'échapper à la réalité de la chose. J'avais peur de rentrer et de la voir toute pâle, j'avais peur de l'affronter. Eric me tenait la main. Je sortais avec lui depuis deux ans maintenant. On s'était suivi sur les missions et il jouait les gros durs. J'appréciais, bien que je sache me défendre, mais depuis que nous étions ici, c'était compliqué. Il y avait des tribus qui enlevaient les femmes et les enfants d'autres tribus et il y avait déjà eu une médecin qui avait été enlevée. On nous avait donc fait suivre des cours pour être sûre d'être bien protégé. On nous avait même donné des armes à feu, mais je refusais de m'en servir. Je crois que j'aimais Eric, mais je n'en étais pas certaine, je ne savais pas vraiment ce que c'était l'amour. «
Alba ! C'est pour toi ! » On me tendait le téléphone satellite «
Allo ? » Un silence au bout du fil, des sanglots étouffés. «
C'est papa ! Ma chérie, ta mère est morte. » J'avais eu l'impression d'être transpercé par la nouvelle et je lâchais la cigarette qui se trouvait dans ma seconde main. Ça y est, ma mère avait passé l'arme à gauche, comme on dit. Je restais muette, la bouche légèrement ouverte. Eric avait fini par prendre le téléphone, il parlait avec mon père, mais je ne savais pas ce qu'il lui disait. Un bourdonnement sourd s'était installé dans mes oreilles.
New-York, aujourd’huiJ'entendais des gens parler des Avengers. Je me demandais encore ce que c'était exactement. Pour moi, il ne s'agissait que d'une grosse mascarade. Je n'avais pas envie de lire ou de regarder les infos. Eric passait son temps à vanter les mérites de ces héros. En quoi étaient-ils des héros ? Ce n'était qu'une bande de gars en costume. Qu'est-ce qu'ils faisaient ? Ils sauvaient des vies ? Laissez-moi rire ! Nous on faisait ça, là-bas en Afrique, on avait sauvé des centaines de gens de la maladie. Ils avaient tué des Aliens ? Quelle blague ! Les Américains savaient bien manier l'information. Non je ne croyais pas du tout à tout ça et je ne m'y intéressais même pas. J'avais aussi entendu parler des Thunderbolts, une bande de méchants qui enfaite étaient gentils, encore des âneries servies par les médias, je ne prêtais pas plus attention à ça qu'aux Avengers. J'avais laissé Eric dans l'aéroport à l'arrivée. Il fallait que j'aille me dégourdir les jambes, il fallait que je marche dans les rues, que je me perde dans mes pensées. Je repoussais l'instant T, celui où je devrais affronter mon père, celui où je devrais regarder le corps de ma mère dans un cercueil, à jamais figer. J'attrapais mon paquet de cigarette et j'en sortais une. Je la portais à mes lèvres, mais au lieu de l'allumer, je finissais par la jeter et écraser le paquet. Ma mère était morte d'un cancer, je ne pouvais pas continuer à fumer…